L’usine à gaz du nouveau bail loi ALUR
Je vais encore faire celui qui râle. Comme moi vous avez certainement entendu tout et son contraire sur cette fameuse loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR).
Je suis un « bailleur moyen ». Je déteste la paperasse. Je ne suis pas juriste. Donc je n’aime pas cette nouvelle usine à gaz nommé ALUR. Cette loi m’oblige à faire signer de nouveaux baux à mes locataires. Fini mon bon vieux modèle de bail que j’utilise depuis 10 ans !
On va essayer de comprendre tout ça ensemble :
La parution du décret concernant les nouveaux contrats-types ainsi que leur notice explicative associée remonte au 29 mai 2015. Le texte est entré en vigueur le 1er août 2015.
J’ai lu rapidement le fameux modèle de bail proposé par le législateur. Et là au secours ! Me voilà en train d’essayer de comprendre un langage de technocrates sur-diplomés. Me voilà très mal, moi le grand pragmatique ! Allez hop je vais faire l’autruche, je vais me mettre la tête dans le sable (bien agréable au mois d’août).
J’avoue sans rougir que jusqu’à il y a peu, je me servais encore de mes bons vieux modèles de baux rassurants.
Je n’aime pas le changement seulement voilà…je suis désormais dans l’illégalité !
Il me fallait donc une solution efficace et pragmatique.
Ces dernières semaines, je me suis lancé dans une entreprise très, très laborieuse.
Vulgariser, décortiquer, extraire la substantifique moelle de ce nouveau bail pour mon propre usage d’abord, et pour vous en faire profiter ensuite !
Ceux qui ont regardé cette affaire de près ont compris que tout ce qu’on a pu entendre sur cette loi n’est pas encore entré en application (loin de là), et que sur beaucoup de points, la montagne a quelque peu accouché d’une souris…
les changements de ministre sont passés par là, sans compter qu’en 2017, une partie des mesures risque d’être modifiée, voire de partir à la poubelle… tout ça pour ça ?
Je ne vais pas aborder toutes les questions que soulèvent ce nouveau bail loi ALUR.
Un point en particulier.
Cette histoire d’encadrement des loyers…
je ne m’y étais pas franchement intéressé. Je loue des appartements essentiellement dans des zones rurales.
Il s’agit en fait de deux dispositifs distincts mais qui peuvent être cumulés.
Attention, ça devient technique 😉
– D’une part, et déjà depuis 2012, lorsque vous louez votre logement dans une des 28 agglomérations qui connaissent une forte tension du marché locatif (liste ici), vous ne pouvez pas fixer votre loyer n’importe comment.
Si vous mettez un logement en location pour la première fois, si votre logement est resté vacant depuis au moins 18 mois ou si vous avez entrepris au cours des 6 derniers mois des travaux d’amélioration d’un montant au moins égal à la dernière année de loyer (pas rien, quand-même) vous n’êtes pas concerné par ce premier dispositif. Vous fixez votre loyer comme bon vous semble, ou plutôt selon la loi de l’offre et la demande locale, car rappelons-le, être trop gourmand sur un loyer est presque toujours contreproductif.
En revanche, si vous changez de locataire (ce qui est la majorité des cas), son loyer sera le même que celui de votre dernier locataire, que vous aurez le droit de revaloriser sur la base de l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL). Le même indice qui sert à la révision annuelle des loyers.
Si vous avez manifestement sous-évalué votre loyer à la base, vous pouvez, en prouvant que des biens similaires au vôtre ont des loyers plus élevés, l’augmenter. »lorsque certains travaux d’amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence sont réalisés par le bailleur », vous pouvez augmenter votre loyer plus que le décret le prévoit.
Certains travaux… mais quels travaux ? Si vous avez la réponse, je suis preneur.
C’est pour s’assurer que les bailleurs « jouent le jeu » que dans les nouveaux baux conformes à la loi ALUR, vous devez obligatoirement faire apparaitre le montant et la date du dernier loyer payé par le locataire précédent, ainsi que la date de la dernière révision de loyer.
Vous êtes exonéré de cette obligation si votre logement est resté vide pendant les 18 mois précédents la remise en location. En toute logique, cette obligation ne devrait s’appliquer que pour les baux concernant des locations situées dans les fameuses 28 agglomérations à forte tension locative, mais non. Même tarif pour tout le monde. Donc finalement, même hors zone tendue, il sera délicat d’écrire noir sur blanc que le locataire précédent avait un loyer moins élevé… il faudra donc se justifier. Fini la liberté et merci Cécile !
Il m’est déjà arrivé de « brader » un loyer pour louer au plus vite (avant de partir en vacances par exemple ;), et puis d’augmenter ce loyer pour le locataire suivant comme j’avais plus de temps pour accomplir les diverses démarches liées à l’entrée d’un locataire.
Bref, cette obligation me met mal à l’aise, vous le comprendrez.
– Le deuxième dispositif qui est censé encadrer les loyers dans cette loi ALUR est l’une des mesures qui a le plus agité le monde médiatique…. elle était censée concerner une liste d’agglomérations importantes.
Pourtant, à ce jour, le décret d’application n’est sorti que pour Paris intra-muros (j’ai lu ci-et-là que des technocrates se sont quand-même rendus compte de la complexité de la mise en œuvre du dispositif, et de ses limites).
Il est fort louable de vouloir rendre « accessible » le parc locatif parisien, mais quand on regarde les textes de plus près, on se rend compte que certains points sont tellement flous que cette limitation est un écran de fumée… normal dans une usine à gaz 😉
Le législateur, pour calmer les récriminations (parfois légitimes) des bailleurs parisiens, a permis d’ajouter au « loyer de référence » en vigueur, un « complément de loyer » que le bailleur peut appliquer si le logement présente des « qualités particulières » (de localisation ou de confort) par rapport aux logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Ce complément de loyer apparait noir sur blanc dans le contrat de bail ainsi que sa justification. Le locataire dispose de trois mois pour dénoncer son propriétaire s’il juge que ce complément de loyer est injustifié. Rappelons qu’il aura auparavant paraphé et signé le bail dans lequel ce complément est notifié et expliqué.
Vous imaginez que des locataires vont signer un bail et se retourner contre leur propriétaire sur le montant de leur loyer moins de 3 mois après.
Bonjour l’ambiance…
Je pense que les magistrats vont s’arracher les cheveux pour interpréter tout ça (puisque ces « qualités particulières » seront évaluées de manière forcément subjective). Bon ce n’est pas grave, les tribunaux en France ne sont pas du tout encombrés.
Donc, très légitimement, les propriétaires vont continuer à faire payer leur locataire pour leur vue sur le Sacré-Cœur, leur balcon ou leur baignoire balnéo. Je n’ai pas regardé en détail ces plafonds mais je serais heureux que des lecteurs parisiens me disent s’ils pensent que ce dispositif a eu ou aura un réel impact sur le coût des locations à Paris.
Je peux me tromper après tout, n’empêche que tout ça est bien compliqué. Je vous laisse aussi imaginer le casse-tête puisque les deux dispositifs d’encadrement des loyers se cumulent. Un vrai choc de simplification. Ceci est un tout petit aperçu de toutes les bizarreries qui sont dans ce contrat de bail loi ALUR.
Ce qui m’agace, c’est que ces personnes qui ont pondu ce chapitre de la loi ALUR ont l’air de considérer que tous les bailleurs ont les moyens, le temps et les compétences pour comprendre et appliquer leurs délires de technocrates… j’appelle ça de l’élitisme. C’est vrai que quand on est bailleur, on a tout le loisir et les moyens de s’entourer d’une cohorte de professionnels du droit et de l’immobilier. On est des riches propriétaires privilégiés, ne l’oublions-pas.
Le bailleur néophyte pas très au fait des méandres de ce nouveau bail loi ALUR risque de se décourager avant même d’avoir loué. Surtout que la plupart du temps, il aura déjà un emploi à côté de son « activité » d’investisseur et peu de temps, et d’argent…
Vu que nul n’est censé ignorer la loi (si vous voulez l’apprendre par cœur, mettez ce livre sur votre table de chevet 😉 ), mais que celle-ci se tricote et se détricote au gré des ministres, il est vraiment compliqué d’être à jour et en règle au quotidien.
Tant que vous ne tombez pas sur un locataire pointilleux, ça passera 😉
Bref, j’en suis venu à la conclusion suivante : il faut que je me mette en règle. Il me faut un bail conforme à la loi, mais vidé de tout le blabla technocratique superflu.
Après quelques heures passées, j’ai un modèle de bail opérationnel prêt.
Aujourd’hui, je vous propose ce bail accompagné de sa notice obligatoire.
C’est le bail de l’investisseur lambda comme moi, qui loue sans faire intervenir de professionnel de l’immobilier, qui loue un logement nu, qui loue hors d’une zone à forte tension locative, et qui ne loue pas en colocation.
Comme je me suis bien pris la tête, passé un temps fou à lire et relire les textes, avalé une vingtaine de Doliprane, vous ne m’en voudrez pas mais ce bail sera payant. Non non ce n’est pas un gros mot ! Il faut bien faire vivre un peu ce blog. Plus sérieusement, acheter ce bail loi ALUR, c’est aussi un bel encouragement pour la poursuite de ce blog.
Vous pouvez télécharger un modèle de bail conforme à la loi ALUR tout beau, très simple à compléter et à imprimer (en PDF modifiable). Je l’ai testé moi-même et j’en suis plutôt fier. D’ailleurs je viens de balancer mes anciens baux poussiéreux ! Place à la modernité.
Je travaille déjà sur d’autre modèles de baux qui balaient les différents cas de figure quand on est bailleur : vous pourrez louer à Paris ou en Province, un logement nu ou meublé, dans une zone tendue ou non, louer en colocation ou non, louer pour votre propre compte ou faire intervenir un professionnel de l’immobilier… dans chacune de ces situations, il y a des dispositions particulières et des paragraphes spécifiques qui alourdissent inutilement le bail loi ALUR, cette usine à gaz.
Alors, prêts pour le choc de simplification ? GO !
EDIT du 8 septembre 2017
Les nouveaux modèles de baux sont disponibles avec un bail meublé pour répondre aux nombreuses demandes et un modèle d’état des lieux…
Et en bonus, un cadeau qui vous sera sûrement utile…
Super article , utile ! J’ai beaucoup apprécié jusqu’à l’histoire des 6 euros .. 😉
On voit bien un exemple de loi déposé pour laisser une trace de son passage plutôt que pour réellement apporté un intérêt au locataire ou propriétaire !
Cela n’apporte au final qu’une complexité supplémentaire.
C’est toujours un plaisir de lire tes articles. Pas mal la petite comparaison avec le Macdo!
Premier commentaire sur ce blog pour ma part, j’essaye de rentrer doucement dans le monde de l’immobilier.
Je t’ai d’ailleurs envoyer un petit mail récemment Guillaume, j’espère une petite réponse.
Bienvenue dans l’immobilier locatif alors !
j’ai en effet vu passer tes 2 mails…je vais essayer de te répondre la semaine prochaine…
Je dois avoir 500 mails de lecteurs en souffrance… désolé je pense que certains n’auront jamais de réponse. Sachez quand même que je lis chaque mail…vos messages me font plaisir et m’encouragent à continuer ce blog, merci à vous. Et ne désespérez pas, il m’arrive de répondre 🙂
Article intéressant. J’ai souris lorsque vous avez écrit que le législateur pense que le bailleur doit avoir une connaissance intime de la loi. A cela j’ai pensé : » nul n’est cené ignorer la loi » et vous l’avez écrit juste après.
Il semblerait cependant que des moyens ont été donné à ceux qui ne la maitrise pas pour être renseigné ( maison de droit, protection juridique ) cela demande par contre de la disponibilité pour se rendre aux heures de consultation pour les maisons de droit.
Merci Richard, sans aller dans ces lieux de rencontre, internet permet d’avoir accès à quasi toutes les informations…reste plus qu’a bien trier dans cette jungle…et surtout se méfier des informations…
erronées !
Article dense et bien écrit 😉 je pense que les 6 euros ne sont pas volés et les baux de qualités que je connais se payent aussi. La qualité et le travail doit être rémunérés c’est normal.
Merci Patrice, n’en fais pas trop, les lecteurs vont penser que je t’ai payé pour écrire ça 🙂
Ah bon les 200 euros c’était pas pour ça:) non c’est bien bien écrit c’est vrai , l’unpi font de très bon baux mais il y a aussi l’abonnement annuel à payer en général et si on s’abonne que par nécessité de baux ça fait cher, donc à voir… Sinon le bail meublé prochain article? coriace celui là et bail meublé étudiant, belle merde pour les bailleurs…
Aaaaahhh, Sun Ra. Pleins de pépites dans une discographie énorme. Pour commencer, peut-être Sleeping Beauty (1979), Landiquity (1978) et les deux compilations de Singles ?Et Phill Niblock, très fort volume, vibrations, le coffret Touch Three, monumental.
Pourquoi ne pas simplement utiliser les baux de l’UNPI qui sont toujours a jour des dernieres lois et tres claires?
Exemple: http://www.unpi.org/index.php?action=catalogue&fam=2
Bah parce que c’est plus cher par exemple 😉
Merci David 🙂
C’est vrai que celui proposé par l’UNPI est 2,5 fois plus cher.
Le principal avantage du bail que je propose est que nous avons retiré tout le blabla administratif inutile et non obligatoire. Le but est d’être efficace et pragmatique…
Hello,
Je peux dire que ce bail tombe juste à pic, mes travaux se terminent bientôt, et j’en aurai bien besoin, une acrobatie en moins. Je sais que tu ne fais pas de meublé, mais pense à nous en faire un stp pour ceux qui en auraient besoin 😉
Bonne soirée à tous
il n’y a pas de lien(liste ici), pour la liste des agglomérations sous tension locatif
Merci Dany, le lien fonctionne à nouveau…
Hello Guillaume!
J’applique le complément de loyer exceptionnel sur mes appartements à Paris 😉 Un complément de 10% à 15%, que je précise dans le bail et dont j’explique les raisons (principalement le confort car les appartement sont refait à neuf et je mets à disposition certains éléments dont je ne suis pas obligée en tant que bailleur meublé – ex: écran plasma, etc). Mais voilà, c’est transparent, c’est dans le bail. Je me suis mise à jour du nouveau bail dès Août dernier, comme ça je suis en ligne avec la loi 😉
Bonjour !
Pour ma part, en tant que Parisien, je vais clairement te dire ce que je vais faire de nouveau depuis cette loi : je ne vais rien changer, j’ai autre chose à faire de plus intéressant, et les risques ne me font pas peur, au pire si j’ai une réclamation je ferai un effort sur le moment.
Bonjour Guillaume.
Je viens d’acheter ton bail et je me rend compte qu’il est rédigé pour de la location nu. Or, je vais louer un meublé….
Je ne m’y attendais pas du tout…
Puis-je l’utiliser quand même pour louer en meublé en modificant deux trois trucs?
Cordialement
Bonsoir Allioux,
Pardon pour cette réponse tardive. Ton commentaire m’avait échappé. Oui, comme je le dis dans l’article, j’ai mis en forme ce bail avant tout pour moi qui ne loue que des appartements nus (si vous avez lu mes articles, vous aurez compris que les meublés, c’est pas trop mon truc…), les baux pour meublés répondent à des modalités différentes. Il vous sera donc difficile de l’adapter. Je vais le repréciser mais je pensais que c’était assez clair, surtout quand on lit les commentaires précédents (celui de Danny par exemple), désolé.
Si vous êtes mécontent, renvoyez moi un message via le formulaire de contact et je vous rembourserai…
Hello Guillaume.
Je ne demanderais pas de remboursement étant donné que c’est ma faute et puis du coup je me suis inspiré de ton bail pour refaire le mien mais version meublé; ce serait donc assez malhonnête de ma part de demander un remboursement. Et puis c’est des blogs comme le tien qui m’ont poussé à investir alors maintenant que ça se réalise je vais éviter de cracher dans la soupe. D’ailleurs il est un peu à l’abandon ce blog en ce moment non? 😉
A quand les prochains articles?
Merci quand même.
On n’a pas fini de lui taper dessus à cette loi…
7 mois sans nouvel article, Guillaume 33 , vos locataires vous donnent du fil à retordre?
Bonsoir Zaser,
patience, vous le saurez dans quelques jours 😉